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Sous quelles conditions le créancier d’une SCI peut-il recouvrir sa dette directement auprès des associés de la société débitrice ?

Le 14 novembre 2011
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE METZ – 1ère Chambre civile – 28 SEPTEMBRE 2011

 

La Société Civile Immobilière Y (SCI) entreprend la réalisation d’un ensemble immobilier constitué de différents appartements afin de les revendre en l’état futur d’achèvement[1].

 

Les consorts X acquièrent un de ces appartements au début de l’année 2007.

 

La SCI entreprend la construction de l’immeuble courant de l’année 2007, mais son permis de construire est annulé en décembre 2007, les travaux n’étant pas achevés.

 

Le chantier est alors arrêté.

 

La SCI ne parvenant pas à régulariser un nouveau permis de construire, les travaux ne peuvent pas reprendre.

 

Les appartements ne sont en conséquence ni terminés ni livrés aux consorts X qui ont cependant déjà réglé un acompte de 115000 euros correspondant au stade d’avancement du chantier.

 

Le délai de livraison étant dépassé, les consorts X saisissent fin 2008 le tribunal de grande instance de Metz, Chambre civile, d’une demande tendant à voir prononcer la résolution de la vente et à voir condamner la SCI à lui rembourser les sommes déjà versées, l’allocation de dommages et intérêts étant également sollicitée.

 

Le tribunal prononce en avril 2009 la résolution de l’acte de vente et condamne la SCI à rembourser aux anciens acquéreurs les acomptes déjà versés et à leur payer divers dommages et intérêts.

 

La SCI fait appel de la décision laquelle sera confirmée en mai 2010 par la Cour d’appel de METZ qui aggrave le montant des dommages et intérêts alloués aux consorts X.

 

La SCI ne procède pas au règlement des sommes.

 

Les consorts X saisissent alors en mai 2011 le Tribunal de grande instance de Metz, Chambre civile, d’une demande tendant à voir condamner directement les associés de la SCI en proportion de leurs parts sociales à leur payer lesdites sommes.

 

L’un des associés oppose l’irrecevabilité de la demande formulée à son encontre dès lors qu’aux termes de l’article 1858 du Code Civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

 

Les consorts X soutiennent avoir diligenté des mesures d’exécution à l’encontre de la SCI tel que des commandements de payer, une procédure de saisie attribution vaine (le solde créditeur de la SCI s’élevant alors à moins de 50 euros) et avoir également inscrit une hypothèque judiciaire.

 

Selon eux, les conditions d’application de l’article 1858 du Code Civil seraient réunies.

 

Le Tribunal n’a cependant pas fait droit à leur demande au motif que si les mesures d’exécution diligentées à leur demande par voie d’huissier de justice n’ont effectivement pas pu aboutir, il n’en demeure pas moins que les consorts X ont pris une inscription d’hypothèque judiciaire sur l’immeuble en cours de construction, propriété de la SCI.

 

Or, les consorts X n’établissent pas avoir mis en œuvre une procédure de saisie immobilière qui se soit révélée vaine de telle sorte qu’ils ne justifient pas, préalablement à l’engagement des poursuites contre les associés de la SCI, de l’inefficacité des poursuites engagées contre cette dernière.

 

Le Tribunal n’a donc pas fait droit l’argumentation des demandeurs aux termes de laquelle toute procédure de saisie immobilière aurait été inutile compte tenu de l’absence de valeur de l’immeuble lequel était inachevé et à l’abandon.

 

* * *

 

En définitive, les créanciers doivent, avant de poursuivre les associés, justifier avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ce qui revient à envisager toutes les mesure d’exécution possibles à l’encontre de la SCI, peut important que celles-ci soient difficiles ou onéreuses.

 

Le Tribunal a, à juste titre, fait une application stricte de la loi, dès lors que la responsabilité des associés est subsidiaire à celle de la SCI.

 

Seule une carence définitive et certaine de la SCI permettra de poursuivre les associés.

 



[1] Dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, l’acquéreur achète l’immeuble sur plan, l’immeuble n’étant pas encore édifié ou étant en cours de construction, l’acquéreur procédant de manière échelonnée au règlement du prix au fur et à mesure de l’évolution de la construction.