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Sur les conditions d’habilitation du syndic à agir en justice

Le 06 janvier 2014
Ordonnance de la mise en état du Tribunal de grande instance de METZ du 20 mars 2013

Une SARL a entrepris la construction d’un ensemble de logements à TALANGE entre 1998 et 1999, puis a cédé lesdits logements selon contrats de vente en l’état futur d’achèvement.

 

L’immeuble a été placé sous le régime de la copropriété.

 

Arguant de l’existence de diverses non façons et malfaçons affectant les parties communes, dont la reprise a été chiffrée par expertise judiciaire à une somme de plus de 65 000,00 €, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a saisi le Tribunal de grande instance de METZ d’une demande selon assignation en date du 01er septembre 2008 tendant à voir condamner le vendeur en l’état futur d’achèvement au paiement du coût des travaux de reprise, sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du Code civil.

 

Le vendeur en l’état futur d’achèvement, constructeur non réalisateur, a appelé en intervention forcée et en garantie les constructeurs en charge des lots gros-œuvre, charpente/couverture et VRD, ainsi que leurs assureurs respectifs, parmi lesquels la compagnie C.

 

Les deux procédures ont fait l’objet d’une jonction.

 

Selon requête en date du 21 décembre 2011, la compagnie C. a saisi le Juge de la mise en état aux fins de voir constater que la demande principale émanant du syndicat des copropriétaires était irrecevable pour défaut d’habilitation du syndic à ester en justice.

 

En effet, il convient de rappeler que l’article 55 du décret du 17 mars 1967dispose :

 

« Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. »

 

Selon la Cour de cassation, le défaut d’habilitation du syndic d’agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir sanctionné par une nullité de fond (Civ. 3ème, 09 avril 2008, pourvoi n° 07-13.236).

 

Or, en l’espèce, aucune délibération de l’assemblée générale autorisant le syndic à agir en justice n’avait été versée aux débats.

 

En défense, le syndicat des copropriétaires a d’une part indiqué que la compagnie C. serait irrecevable à invoquer l’irrégularité de la délibération, dans la mesure où l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 réserve les actions destinées à contester une décision d’assemblée générale aux seuls copropriétaires, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal.

 

D’autre part, le syndicat des copropriétaires a versé aux débats, en cours de procédure, la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de copropriété du 30 avril 2008, laquelle avait « autorisé le syndic à ester en justice à l’encontre de la SARL […] pour les raisons suivantes : Ensemble des désordres sur les parties communes dont fait état le rapport d’expertise […] Et de toutes les personnes pouvant être mises en cause », le syndicat des copropriétaires soutenant que cette délibération serait conforme aux prescriptions légales.

 

Cependant, en l’espèce, la compagnie C. ne sollicitait pas du Juge de la mise en état qu’il prononce la nullité de la délibération du 30 avril 2008, mais qu’il constate que l’action engagée par le syndicat des copropriétaires était affectée d’une nullité de fond en raison de l’absence d’autorisation du syndicat des copropriétaires à ester en justice.

 

Or, s'agissant d'une nullité d'un acte de procédure pour vice de fond, toute personne assignée par un syndic non autorisé est en droit de se prévaloir du défaut d'autorisation, que cette partie défenderesse soit un copropriétaire ou un tiers comme un promoteur, architecte, entrepreneur, vendeur, ou encore un assureur (Civ. 3ème, 12 oct. 1988 : D. 1989, jurispr. p. 53, note Givord et Giverdon ; Gaz. Pal. 1988, 2, p. 874, note Bouyeure. – Civ. 3ème, 17 avr. 1991 : JCP G 1991, IV, 234 ; Gaz. Pal. 1991, 2, pan. jurispr. p. 201).

 

En outre, la jurisprudence retient, de façon constante, que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires autorisant le syndic à ester en justice doit notamment indiquer avec précision l’objet de la demande, les personnes ou parties devant être mises en cause, la nature exacte des désordres pour la réparation desquelles elle est donnée et exprimer également le fondement de l’action à engager (Civ. 3ème, 02 oct. 2002 : JurisData n° 2002-015688).

 

La Cour d’appel de METZ, par arrêt du 25 mars 2010, a ainsi déclaré irrecevable une action fondée sur une autorisation « d’engager une action judiciaire à l’encontre de tous les participants à l’acte de construire », la Cour de cassation retenant de la même manière que l'assemblée générale ne peut autoriser un syndic de copropriété à agir en justice contre un défendeur non désigné (Civ. 3ème, 26 sept. 2007, n° 06-11.191 : JurisData n° 2007-040514 ; Loyers et copr. 2007, comm. 253, obs. G. Vigneron ; JCP G 2007, IV, 2924).

 

De même, l'autorisation donnée au syndic de copropriété d'agir en justice doit être précise quant à la nature de la procédure et à l'objet de la demande (CA Rennes, ch. 4, 17 mars 2011 : JurisData n° 2011-026849) et doit mentionner les désordres dont il est demandé réparation, l'autorisation « d'entamer une procédure judiciaire pour les parties communes » (Civ. 3ème, 11 janv. 1995 : D. 1998, inf. rap. p. 277, obs. Capoulade) ou encore d'intenter « une procédure destinée à remédier à tous les désordres signalés dans la copropriété » étant insuffisante (Civ. 3ème, 28 juin 1995, n° 93-11.834 : JurisData n° 1995-001727 ; D. 1995, inf. rap. p. 179 ; JCP G 1995, IV, 2102 ; Loyers et copr. 1995, comm. 498).

 

Bien plus, si l’assemblée générale doit autoriser le syndic à ester en justice sur la base d’un rapport d’expertise, ce dernier doit avoir été communiqué aux copropriétaires (Civ. 3ème, 12 juin 2002, pourvoi n° 00-19824).

 

La jurisprudence retient de surcroît que le rapport doit avoir été analysé et être annexé au procès-verbal de l’assemblée générale (CA Paris, ch. 19, sect. B, 13 sept. 2001 : JurisData n° 2001-152783).

 

Or, en l’espèce, le rapport d’expertise n’avait pas été communiqué aux copropriétaires, ni a fortiori, analysé lors de l’assemblée générale, de sorte que l’action engagée par le syndicat des copropriétaires était irrecevable.

 

Par ordonnance en date du 20 mars 2013, le Juge de la mise en état a indiqué que « l’irrégularité de fond tirée du défaut d’habilitation du syndic peut être invoqué par tout défendeur dès lors qu’elle ne résulte pas de la nullité de la décision prise par l’assemblée générale des copropriétaires, cette nullité ne pouvant en effet être invoquée conformément à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 que par un copropriétaire opposant ou défaillant. »

 

Il ajoute qu’en l’espèce, « Le syndic représentant le syndicat des copropriétaires de l’immeuble […] n’établit cependant pas avoir communiqué ou annexé aux convocations des copropriétaires le rapport d’expertise […]. Ce document n’apparaît pas non plus avoir été analysé et commenté lors de l’assemblée générale des copropriétaires ».

 

Il en conclut que « le syndic n’apparaît pas avoir été valablement autorisé à agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires par l’assemblée générale des copropriétaires et la nullité de l’assignation en date du premier septembre 2008 […] doit dès lors être prononcée ».

 

 

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Cette décision vient confirmer que tout défendeur à une procédure engagée par un syndicat des copropriétaires est fondé à invoquer le défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.

 

Bien plus, elle précise les conditions dans lesquelles le syndic doit être autorisé à agir en justice.

 

La jurisprudence semble admettre que les désordres objets de la procédure à engager puissent être désignés par référence à un document, notamment un rapport d’expertise.

 

Cependant, dans ce cas, ce document doit être communiqué aux copropriétaires mais également analysé et commenté lors de l’assemblée générale.

 

L’analyse et le commentaire du document devront être consignés dans le procès-verbal, afin que le syndicat des copropriétaires puisse se ménager un moyen de preuve dans l’hypothèse où ce moyen lui serait opposé.