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L’action paulienne n’est pas soumise à l’obligation de publication au Livre Foncier

Le 04 janvier 2017
Arrêt de la Cour d’appel de METZ du 19 novembre 2015



La société T. a acquis deux parcelles cadastrées Section A n° 248 et 249 pour la somme de 137 000 €, puis, a entrepris la construction d’un immeuble composé de deux bâtiments aux fins d’habitation sur la parcelle 248, la seconde parcelle devant constituer l’assiette du parking de l’immeuble.   Les appartements ont été vendus selon actes de vente en l’état futur d’achèvement dans le courant de l’année 2008, ceux-ci prévoyant une livraison au quatrième trimestre 2008.   Malheureusement, les immeubles n’ont jamais été achevés.   La société T. a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire en 2012.   Cependant, il s’est avéré que la société T. a organisé son insolvabilité.   En effet, il est apparu que la société T. a vendu, selon acte de vente en octobre 2010, la parcelle 249 à Monsieur G. pour un prix de 95 000 €.   Néanmoins, aucun règlement n’est intervenu par la comptabilité du notaire.   Il convient de préciser que Monsieur G. est à la fois le gendre du gérant de la société T. ainsi qu’un associé de ladite société.   En outre, il a, par la suite, succédé à son beau-père dans la gérance de la société.   Dans ces conditions, les acquéreurs en VEFA, créanciers de la société T., ont saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de voir prononcer la nullité de la vente intervenue en fraude de leurs droits, sur le fondement de l’article 1167 du Code civil.   Il convient ici de préciser que l’action paulienne exercée par les créanciers a d’ores et déjà fait l’objet d’un article publié précédemment (Cf. Action paulienne exercée par les acquéreurs en VEFA).   En l’espèce, le Tribunal de Grande Instance a accueilli l’action paulienne des créanciers et déclaré que la vente intervenue leur est inopposable.   Monsieur G. a interjeté appel et a opposé aux acquéreurs un moyen d’irrecevabilité au motif que la demande de nullité de la cession conclue avec la société T. n’a pas fait l’objet d’une publication au Livre Foncier.   En effet, il convient de rappeler qu’il s’agit ici d’une particularité applicable en Alsace-Moselle.   En 1924, le législateur a maintenu avec la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle,  un régime de publicité original dérivé du Livre Foncier allemand.   Ainsi, l’article 38 de la loi susvisée dispose :   « Sont inscrits au livre foncier, aux fins d'opposabilité aux tiers, les droits suivants : a) La propriété immobilière, quel que soit son mode d'acquisition ; b) La superficie, l'emphytéose et tout autre droit réel conféré par un bail, l'usufruit établi par la volonté de l'homme, l'usage, l'habitation, les servitudes foncières établies par le fait de l'homme, le gage immobilier, le droit réel résultant d'un titre d'occupation du domaine public de l'Etat ou d'un établissement public de l'Etat délivré en application des articles L. 34-1 à L. 34-9 du code du domaine de l'Etat et de l'article 3 de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public et les prestations foncières ; c) Les privilèges et les hypothèques ; d) Le droit du locataire et du fermier en cas de bail d'une durée de plus de douze années ; e) Le paiement anticipé ou la cession d'une somme équivalant à au moins trois années de loyers ou de fermages non échus ; f) Les restrictions au droit de disposer insérées dans un acte d'aliénation ou découlant de tous autres actes, tels que promesses de vente, legs ou donations sous condition ou avec charge de restitution en vertu des articles 1048 et 1049 du code civil, le droit de retour conventionnel prévu par les articles 951 et 952 du code civil, le droit de réméré ainsi que celles résultant de la saisie immobilière ou de toutes autres décisions judiciaires ; g) Tout droit à la résolution d'un contrat synallagmatique ; h) Le droit à la révocation d'une donation ; i) Le droit au rapport en nature d'une donation prévue par les articles 859 et 865 du code civil ; j) Les droits résultant des actes et décisions constatant ou prononçant la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ; k) Toute servitude dont la publicité foncière est prévue par la loi à peine d'inopposabilité. »   En outre, l’article 38-4 de la même loi ajoute :   « Sont inscrites au livre foncier, à peine d'irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort. »   Cette publicité à peine d’irrecevabilité de certaines demandes en justice a été introduite dans la loi de 1924 par la loi n° 90-1248 du 29 décembre 1990 opérant ainsi un alignement du droit local sur le droit applicable en Vieille France puisque le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 prévoyait déjà en son article 28, 4° la publication au service chargé de la publicité foncière des « demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ».   C’est en vertu de cette disposition que M. G. a cru pouvoir opposer aux acquéreurs l’irrecevabilité de leur action en arguant de ce qu’ils sollicitaient aux termes de leurs écritures la nullité de l’acte de vente.   La Cour d’appel a, dans un arrêt en date du 19 novembre 2015, rejeté cette argumentation retenant que la sanction de l’action paulienne est l’inopposabilité de la vente intervenue en fraude des droits des créanciers et non sa nullité et que l’impropriété du terme de nullité employé par les demandeurs au lieu d’inopposabilité n’a pu avoir pour effet de soumettre leur demande à l’obligation de publication au Livre Foncier.   En effet, la demande en justice tendant à obtenir l’inopposabilité de l’acte de vente n’est pas visée à l’article 38-4, et ce dernier a un caractère limitatif.   Dès lors, l’action paulienne n’est pas soumise à obligation de publication au livre foncier.