Les époux X, Maîtres de l’ouvrage, confient à la Société Y la construction de leur maison, selon contrat de construction de maison individuelle, au mois de février 1996.
La Société Y souscrit une police dommages ouvrage (DO) auprès de la société d’assurance MMA.
Les travaux font l’objet d’une réception sans réserves le 27 novembre 1996.
Les maîtres de l’ouvrage prennent possession des lieux.
Au mois de mars 2006, durant la période de garantie décennale, les propriétaires constatent l’apparition de fissures dans le carrelage avec désafleurement (les fissures sont coupantes comme des rasoirs...)
Les maîtres de l’ouvrage établissent une déclaration de sinistre dès le 27 mars 2006 à l’assureur DO, lequel notifie un refus de garantie le 7 avril de la même année, sans mandater d’expert d’assurance.
Une seconde déclaration de sinistre sera régularisée par les propriétaires le 21 novembre 2006 à quelques jours de l’expiration du délai de prescription décennale entre les mains de l’assureur DO qui délèguera un expert puis opposera un nouveau refus de garantie le 19 janvier 2007, le délai décennal étant à cette date prescrit.
Face au refus de l’assureur DO de garantir le sinistre, les maîtres de l’ouvrage assignent en février 2007 l’assureur DO et la Société Y en référé et une expertise judiciaire est ordonnée au mois d’avril 2007.
L’expert judiciaire dépose son rapport en décembre 2008, lequel constate que les fissures sont désafleurantes, l’impropriété à destination étant caractérisée, les carreaux des carrelages fissurés coupant comme des rasoirs.
Sur la base de ce rapport, les propriétaires assignent au fond le constructeur et l’assureur DO en février 2009 afin d’être indemnisés au titre des travaux de réfection.
Le constructeur et l’assureur DO opposent la prescription décennale aux maîtres de l’ouvrage au motif que tant l’assignation en référé que l’assignation au fond avaient été délivrés après l’expiration du délai décennal.
Le tribunal fera droit à l’argumentation du constructeur et rejettera comme étant prescrites les demandes formulées à son encontre par les maîtres de l’ouvrage puisque l’assignation en référé avait été signifiée contre les constructeurs après le délai de 10 ans.
L’action à l’encontre de l’assureur DO sera quant à elle déclarée recevable car non prescrite.
En effet, le Tribunal rappelle qu’aux termes de l’article L121-12 alinéa 2 du Code des assurances, « l’assureur peut être déchargé, en tout ou partie, de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur ».
Or, si l’assuré n’a pas assigné dans le délai décennal le constructeur, il a dans ce délai effectué entre les mains de l’assureur DO deux déclarations de sinistres par LRAR, l’une le 27 mars 2006, l’autre le 21 novembre 2006, étant rappelé que le délai décennal expirait le 27 novembre 2006.
A la suite de la 1ère déclaration de sinistre effectuée 8 mois avant l’expiration de la garantie décennale, l’assureur DO a dénié sa garantie sans mandater d’expert.
Ce n’est qu’après la seconde déclaration de sinistre qu’un expert a été mandaté.
L’assureur DO pouvait en conséquence dès le 27 mars 2006 sauvegarder ses droits en missionnant un expert ou en assignant lui-même le constructeur ce qu’il n’a pas fait.
Or, sur ce point cela peut être critiquable car même si la déclaration de sinistre est régularisée 2 jour avant l’expiration du délai, comment l’adversaire peut-il matériellement sauvegarder ses droits compte tenu du court délai ?
En outre, le tribunal rappelle qu’en application des dispositions des articles 1792-4-1 du Code civil et L114-1 et L242-1 du Code des assurances, l’assuré dispose, pour réclamer l’exécution des garanties souscrites, d’un délai de 2 ans à compter de la connaissance qu’il a des désordres intervenus dans les 10 ans de la réception.
En l’espèce, les désordres étant apparus en début d’année 2006, le délai biennal avait été interrompu d’une part par les deux déclarations de sinistre puis par les assignations tant en référé qu’au fond.
Il importait dès lors peu que l’action diligentée par les maîtres de l’ouvrage contre le constructeur soit prescrite, l’assureur DO ayant été mis en mesure, pendant le délai décennal, de sauvegarder lui-même ses droits en assignant le constructeur.
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La déclaration de sinistre régularisée entre les mains de l’assureur DO dans le délai de 10 ans ne sauvegarde pas le délai à l’encontre des constructeurs.
La responsabilité de l’assureur DO peut être recherchée après l’expiration du délai décennal si la déclaration de sinistre a été régularisée dans le délai décennal.