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La caducité du compromis non réitéré dans les six mois

Le 06 mars 2013
Arrêt de la Cour d’appel de METZ, 1ère Chambre, en date du 17 octobre 2012

Un compromis de vente portant sur une maison mitoyenne sise à MOYEUVRE GRANDE a été conclu entre les Epoux C., cédants, et les Epoux H., acquéreurs, le 26 juin 2006. Ce compromis prévoyait que l’immeuble était libre de toute occupation.

Les Epoux H. constatant que l’immeuble n’était en réalité pas libre de toute occupation n’ont pas donné suite à la vente et ont saisi, par assignation en date du 27 décembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE d’une demande tendant à voir condamner les Epoux C. au versement de 12 500 € conformément à la clause pénale conventionnellement prévue.

Les Epoux C. ont alors contesté cette demande et formé une demande reconventionnelle en sollicitant à leur profit le paiement de la clause pénale en indiquant que les Epoux H., ne souhaitant plus être acquéreurs, avaient empêché que le compromis de vente soit réitéré par acte authentique alors qu’ils avaient déjà donné congé à leur locataire pour que l’immeuble soit libre de tout occupant au jour de la réitération par acte authentique.

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE en date du 5 octobre 2009 a rejeté la demande des Epoux H. et fait droit à la demande reconventionnelle des Epoux C., condamnant ainsi les Epoux H. à leur payer la somme de 12 500 € et en leur faisant supporter les dépens.

Les Epoux H. ont alors interjeté appel devant la Cour d’appel de METZ.

Les Epoux H. ont sollicité, à hauteur d’appel, que soit constatée la caducité du compromis de vente en date du 26 juin 2006 en application de l’article 42 de la loi du 1er juin 1924.

Les Epoux C. ont demandé, pour leur part, que soit appliquée la clause pénale prévue dans le compromis de vente.

La Cour d’appel de METZ, dans son arrêt en date du 17 octobre 2012, a infirmé le jugement en date du 5 octobre 2009 du Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, a prononcé la caducité du compromis de vente en date du 26 juin 2006 et de la clause pénale, et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La Cour a rappelé les dispositions de l’article 42 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et modifié par la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002.

Cet article dispose en effet que :

« Tout acte portant sur un droit susceptible d'être inscrit doit être, pour les besoins de l'inscription, dressé, en la forme authentique, par un notaire, un tribunal ou une autorité administrative.

Tout acte entre vifs, translatif ou déclaratif de propriété immobilière, tout acte entre vifs portant constitution ou transmission d'une servitude foncière souscrit sous une autre forme doit être suivi, à peine de caducité, d'un acte authentique ou, en cas de refus de l'une des parties, d'une demande en justice, dans les six mois qui suivent la passation de l'acte ».

La Cour a retenu que le compromis de vente conclu en date du 26 juin 2006 n’avait pas été réitéré par acte authentique dans les six mois et que l’assignation introductive d’instance des Epoux H. n’avait nullement pour but d’obtenir que les vendeurs soient contraints de le faire.

Elle en a déduit qu’en application du droit local, le compromis de vente était caduc.

Elle ajoute que ce point ne faisait plus débat entre les parties et que la pierre d’achoppement consistait à déterminer si la clause pénale avait tout de même vocation à s’appliquer.

La Cour d’appel de METZ a alors répondu à deux questions débattues par la jurisprudence.

D’une part, elle a fait sienne la jurisprudence selon laquelle la sanction du non-respect des dispositions légales précitéesdoit en réalité s’analyser comme une nullité de la convention ; ainsi, le compromis sous seing privé étant dépourvu de tout effet et les parties étant replacées dans la situation patrimoniale antérieure, la caducité affecte l’ensemble des clauses énoncées au compromis, y compris la clause pénale.

D’autre part, elle indique que le compromis de vente était caduc, outre le délai de 6 mois et un jour écoulé, en raison de l’absence de demande en justice visant expressément à réitérer la vente, et non pas seulement au paiement de la clause pénale.

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L’article 42 de la loi du 1er juin 1924 pose le principe de la caducité de l’acte sous seing privé transférant un droit de propriété immobilière et non réitéré sous la forme d’un acte authentique dans un délai de six mois.

 

Cette disposition issue du droit local implique que l’introduction d’une demande en justice, même avant l’expiration du délai de six mois, visant seulement au paiement de la clause pénale ne suffit pas à empêcher la caducité du compromis de vente au terme de ce délai.

Il est impératif que la demande, formulée dans les six mois, vise à réitérer la vente sous la forme d’un acte authentique pour que la caducité du compromis de vente ne soit pas prononcée.

àCA METZ, 10 janvier 2008, n° 05/01594, JurisData n° 2008-360572,

àCA METZ, 21 février 2012, n° 09/02244, 11/00815, JurisData n° 2012-018432.

En revanche, la question de la caducité de la clause pénale est moins évidente.

En effet, la Cour de cassation estime que la caducité de l’acte n’affecte pas la clause pénale qui doit précisément produire effet en cas de non-réitération de la vente en la forme authentique dans le délai stipulé, par suite de la défaillance fautive de l’une des parties :

àCass., Civ. III, 11 janvier 2011, n° 10-10.038, Inédit, JurisData n° 2011-000210,

àCass., Com., 22 mars 2011 ; D. 2011. Actu. 1012, obs. DELPECH.

Toutefois, certaines chambres de Cour d’appel résistent à la position de la Haute Juridiction et donnent naissance à une jurisprudence disparate.

Il est à noter qu’une partie des chambres des Cours d’appel estiment que la caducité du compromis est sans effet sur la clause pénale.

àCA COLMAR, chambre civile 2, Section A, 06 juillet 2012, n° 518/2012, JurisData n° 2012-018935 ;

àCA METZ, Chambre des urgences, 25 septembre 2012, n° 12/00585, 11/00908, JurisData n° 2012-022836.

 

Tandis que d’autres chambres retiennent que la caducité de l’obligation principale entraîne celle de la clause pénale.

àCA COLMAR, chambre civile 2, Section B, 08 juin 2012, n° 431/2012, JurisData n° 2012-012824,

àCA METZ, 1ère chambre, 02 octobre 2012, n° 09/01563, JurisData n° 2012-023811 ; arrêt qui a tout de même octroyer des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de réitérer la vente sans motif légitime,

àCA METZ, 1ère chambre, 17 octobre 2012, n° 10/00537.

 

Il est à noter que cette dernière position associée à l’obligation d’introduire une demande visant à réitérer la vente sous forme authentique dans le délai de six mois, et pas une demande tendant au paiement de la clause pénale, a pour conséquence de priver de tout effet la clause pénale qui ne peut dès lors plus être appliquée.

Il résulte de cette analyse que la jurisprudence ne semble malheureusement pas définitivement fixée.

 

[i] La clause pénale est une clause fixant forfaitairement le montant de dommages et intérêts dus par le débiteur qui n’exécute pas son obligation.