La SCI Y., dont les deux associés sont Monsieur et Madame Y, a acheté un terrain nu en 1996. Monsieur Y , entrepreneur, a participé à la construction de l’immeuble qui y a été édifié, et a réalisé lui-même de très nombreux travaux (terrassement, gros œuvre, charpente et couverture, sanitaire, pose de fenêtres…). La réception des travaux a eu lieu le 1er janvier 1999.
En 2004, la SCI Y vend cet immeuble, composé de 6 appartements loués, à un jeune couple, les époux X.
L’acte notarié précisait bien que cet immeuble était achevé depuis moins de 10 ans, et que les garanties et responsabilités attachées à cette construction étaient régies par les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil.
En revanche, l’acte notarié ne faisait aucune mention de l’existence d’une assurance dommages-ouvrage[1] ou d’une assurance décennale[2].
Malheureusement, quelques mois à peine après l’achat de l’immeuble, les locataires des 6 appartements ont indiqué aux jeunes propriétaires qu’il existait de nombreux problèmes dans leurs logements : moisissures, humidité, mauvaises odeurs, problèmes d’isolation et d’insonorisation…
Les époux X ont alors saisi le juge des référés, lequel a ordonné une expertise.
L’expert judiciaire a relevé de très nombreux désordres, lesquels rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
La reprise de ces désordres a été chiffrée à plus de 300 000 €.
Les époux X ont alors assigné la SCI Y et Monsieur Y sur le fondement de la garantie décennale. Ils ont également assigné le notaire ayant procédé à la vente.
La SCI Y étant intervenue en qualité de maître de l’ouvrage, est par conséquent responsable des désordres relevés.
De plus, elle n’a pas souscrit d’assurance dommages-ouvrage, alors même que celle-ci est obligatoire.
La jurisprudence prévoit dès lors que le maître de l’ouvrage qui n’a pas souscrit une assurance dommages-ouvrage est responsable sur son patrimoine personnel, des désordres qui relèvent des garanties obligatoires des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil.
Quant à Monsieur Y qui était entrepreneur, il est avéré qu’il a effectué de très nombreux travaux.
Cependant, il n’a pas davantage souscrit d’assurance décennale.
Monsieur Y voit également sa responsabilité recherchée sur son patrimoine personnel à l’égard des époux X.
Parallèlement, Monsieur et Madame X ont assigné le notaire. En effet, l’acte notarié ne faisait pas état de l’absence de l’assurance dommages-ouvrage et de l’assurance décennale. Bien plus, les acquéreurs ont soutenu que le notaire n’a pas attiré leur attention sur les conséquences d’une telle absence, et ne leur a fourni aucune explication.
La jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises l’obligation faite au notaire de vérifier si les vendeurs, qui ont construit l’immeuble, ont bien souscrit l’assurance de dommages obligatoire[3]
Lorsque le notaire ne remplit pas cette obligation, l’acquéreur peut rechercher sa responsabilité professionnelle.
Vendre un bien immobilier que l’on a construit ou fait construire sans que l’ensemble des travaux soit couvert par une assurance dommages ouvrage ou une assurance décennale amène le vendeur à voir sa responsabilité sur son patrimoine personnel engagée, et ce pendant 10 ans.
Quelle sera la position du tribunal vis-à-vis du notaire ?
Cette procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de Grande Instance. Dès qu’un jugement sera intervenu, nous complèterons la présente note.
[1] L’assurance dommages-ouvrage est une assurance de chose qui bénéficie de plein droit aux propriétaires successifs de l’ouvrage. Son rôle est de préfinancer le sinistre, sans recherche préalable de responsabilité. L’assurance couvre alors le coût de l’ensemble des réparations des désordres de nature décennale dont le constructeur est responsable, pendant 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage. Toute personne physique ou morale qui fait réaliser des travaux de construction en qualité de propriétaire, de vendeur ou de mandataire du propriétaire doit souscrire cette assurance.
[2] Ceux dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil sont tenus de souscrire cette assurance. La garantie décennale s’applique pour les travaux ayant causé des dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Sont aussi garantis les équipements qui font corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert.
[3] Par exemple, v. Cass. 1ère Civ., 18 janvier 2005, n°03-12.782