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Les conséquences d’une indemnisation trop faible proposée par l’assureur dommages-ouvrage

Le 16 novembre 2012
L’assureur dommages-ouvrage a une obligation de loyauté envers son assuré et doit lui faire une proposition d’indemnisation suffisante pour procéder à la reprise des dommages constatés.

L’assureur dommages-ouvrage a une obligation de loyauté envers son assuré et doit lui faire une proposition d’indemnisation suffisante pour procéder à la reprise des dommages constatés.

 

À défaut, il encourt diverses sanctions.

 

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En application de l’article L. 242-1 du Code des assurances, « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ».

 

L'assurance dommages-ouvrage obligatoire a ainsi pour but d'assurer une indemnisation rapide des dommages subis par le maître d'ouvrage sans que n'aient préalablement à être discutées des questions de responsabilité.

 

Concrètement, si l’existence de désordres de nature décennale est avérée, l’assureur doit faire une proposition dans un délai maximal de 60 à compter de la déclaration de sinistre, relative au montant de l'indemnité destinée au paiement des travaux de réparation des dommages, comprenant, outre les dépenses de travaux proprement dits, les frais annexes nécessaires à la mise en oeuvre desdits travaux, tels qu'honoraires, essais, analyses, ainsi que les taxes applicables.

 

Lorsque l’assureur fait une telle proposition, sa position prise est définitive, sauf hypothèse de dol ou d'erreur substantielle (TGI Angoulême, 7 nov. 1991).

 

Ensuite, l'assuré doit prendre parti dans un délai de 15 jours.

 

   S'il l'accepte, l'indemnité lui est versée dans un délai de 15 jours.

 

   S'il refuse, l'assuré peut néanmoins recevoir une avance égale aux trois quarts du montant de l'indemnité notifiée, à valoir sur le montant définitif de l'indemnité qui sera mise à la charge de l'assureur. Parallèlement, à défaut d’accord, il peut engager une procédure judiciaire.

 

L'assureur faisant une proposition d'indemnité manifestement insuffisante encourt différentes sanctions, à l’instar de l’assureur qui ne respecte pas les règles formelles d’indemnisation (délais, etc.) :

 

  • L’assureur peut se trouver contraint d'indemniser tous les désordres dénoncés par l'assuré, même si les dommages ne sont pas de nature décennale (Civ. 3ème, 3 déc. 2003 : Bull. civ. 2003, III, n° 214). Il n'est toutefois pas obligé de prendre en charge les non-façons (CA Toulouse, 23 févr. 1998 : Juris-Data n° 1998-040550) ni les préjudices immatériels (Civ. 3ème, 12 janv. 2005 : Bull. civ. 2005, III, n° 3 ; RD imm. 2005, p. 92).

 

  • L'assureur ne peut davantage s'abriter derrière la prescription biennale écoulée depuis la survenance du désordre (Civ. 1ère, 4 mars 1997 : Bull. civ. 1997, I, n° 78 ; RD imm. 1997, p. 254, obs. Leguay).

 

  • L’assureur ne peut opposer à l'assuré la réduction proportionnelle (CA Douai, 28 sept. 1998 : Juris-Data n° 1998-055459), cette dernière prévoyant prévoit une réduction des indemnités en cas de sinistre si les déclarations faites au moment de la souscription du contrat sont inférieures à la valeur réelle de l’immeuble assuré.  

 

  • L’assureur ne peut pas invoquer le défaut d'aléa (CA Paris, 24 nov. 1999 : AJDI 2000, p. 141).

 

  • L'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation du dommage (Civ. 1ère, 1er déc. 1998 : RD imm. 1999, p. 121, obs. Leguay ; RGDA 1999, p. 149, obs. d'Hauteville). La prise en charge nécessaire par l’assureur des « dépenses nécessaires » exclut dès lors la possibilité pour celui-ci de se prévaloir d’un plafond de garantie (Civ. 1ère, 18 juin 1996 : Bull. civ. 1996, I, p. 271, obs. Leguay).

 

  • L'indemnité versée par l'assureur se trouve, de plein droit, majorée d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal (art. L. 242-1 C. ass. et Civ. 1ère, 7 janv. 1997 : Bull. civ. 1997, I, n° 4).

 

  • La jurisprudence a admis la mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'assureur de dommages qui refuse sa garantie de manière abusive (Civ. 3ème 7 mars 2007 : JCP 2007, IV, 1756 ; D. 2007, p. 941, obs. Brugière Fontenille ; D. 2007, p. 1300, obs. Nesi ; Constr.-urb. 2007, comm. 101, obs. Pagès de Varenne). La responsabilité de l'assureur dommages ouvrage est engagée de plein droit dès lors qu'il est établi qu'en raison de la sous-estimation financière les travaux de reprise ne pouvaient donner satisfaction et mettre fin aux désordres. Parallèlement, la jurisprudence va plus loin et retient la faute de l’assureur dommages-ouvrage dès lors que l'apparition de nouvelles fissures trouve sa cause dans l'indemnisation insuffisante des premiers désordres par l’assureur qui a fait preuve d'un souci excessif d'économie, dégénérant en faute (CA Paris, ch. 19 sect. A, 20 sept. 2006 : JurisData n° 2006-311825).

 

  • L'assureur dommages ouvrage qui a fait une offre insuffisante ne permettant pas d'effectuer des réparations dans les règles de l'art doit réparer le préjudice résultant du retard de dédommagement du maître de l'ouvrage (CA Pau, ch. 1, 06 mars 2006 : JurisData n° 2006-321826).

 

 

Enfin, il convient tout de même de préciser que la Cour de cassation impose que l'indemnité d'assurance soit utilisée à la réparation du dommage (Civ. 3ème, 17 déc. 2003 : Bull. civ. 2003, III, n° 232 ; Défrénois 2005, p. 72, obs. Périnet-Marquet ; RD imm. 2004, p. 158, obs. Dessuet, p. 55, obs. Leguay ; RGDA 2004, p. 100, obs. Karila).

 

L'assureur peut donc obtenir la restitution des sommes non affectées à la prise en charge des travaux de réfection, tout comme celle des sommes excédant le coût réel de la réparation effectuée (Civ. 3ème, 17 déc. 2003 : Bull. civ. 2003, III, n° 234).

 

 

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Ainsi, l’absence de respect des délais imposés par le Code des assurance par l’assureur dommages-ouvrage et le cas où celui-ci formule une proposition d’indemnisation manifestement insuffisante ont des conséquences importantes pour le maître de l’ouvrage qui se voit totalement indemnisé sans même rechercher la nature des désordres, leur origine ou le quantum, sous réserve toutefois que la réparation soit adaptée aux désordres constatés.

 

Parallèlement, la question se pose de savoir si l’assureur dommages-ouvrage, qui n’a pas notifié à son assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties dans le délai maximal de 60 jours, peut être également tenu à garantie lorsque des désordres de nature décennale affectent des immeubles pour lesquels aucune cotisation n’a été payée et qui n’étaient pas visés dans le contrat d’assurance.

 

Sur ce point, une procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de grande instance de METZ,

 

Le présent article sera complété lorsque la décision sera rendue.