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Quelles sont les conséquences de l’absence d’un maître d’œuvre sur un chantier ?

Le 05 décembre 2012

Le maître d’œuvre est la personne chargée par le maître d’ouvrage de diriger l’exécution du travail en raison de ses compétences.

 

A titre liminaire, il convient de souligner que le maître d’ouvrage qui ne fait appel à aucun architecte, ni technicien, ne doit pas pour autant être considéré comme un maître d’œuvre.

àCass., Civ. III, 19 mai 1980 ; JCP G 1980, IV, p. 215.

De même, ne pas faire appel à un maître d’œuvre n’est pas constitutif d’un acte d’immixtion fautive, ni d’une acceptation d’un risque. Dès lors, le maître d’ouvrage n’encourt aucune responsabilité de ce fait.

àCass., Civ. III, 18 décembre 2001 ; RD imm. 2002, p. 151.

àCass., Civ. III, 28 janvier 2003 ; RD imm. 2004, p.191.

àCA RENNES, 22 septembre 2011 ; n° 09/00477, JurisData n° 2011-026899.

 

La Cour d’appel de VERSAILLES, dans un arrêt du 18 octobre 2010 (n° 09/05939, JurisData n° 2010-027034), affirme qu’ « en réalité, en l’absence de maître d’œuvre, cette fonction est exercée par l’entreprise, maîtresse de son art, qui est débitrice envers le maître de l’ouvrage non professionnel d’un devoir de conseil relativement au choix du matériau utilisé et l’éventuel intérêt de recourir à l’assistance d’un maître d’œuvre ; le constructeur doit, le cas échéant, au titre de son obligation de loyauté, refuser d’exécuter des travaux qui excéderaient sa compétence ».

 

L’absence de maître d’œuvre a, dès lors, pour conséquence de renforcer l’obligation de conseil de l’entrepreneur à l’égard du maître d’ouvrage. Si une entreprise estime ne pas être en mesure d’effectuer des travaux parce qu’il lui manque des plans et un cahier des charges précis, il appartient à l’entrepreneur d’attirer l’attention du maître d’ouvrage ou de refuser d’exécuter les travaux.

àCA RENNES, 22 septembre 2011 ; n° 09/00477, JurisData n° 2011-026899.

 

L’entrepreneur qui estime que le concours d’un maître d’œuvre est nécessaire doit en aviser le maître de l’ouvrage. S’il s’abstient, il reste seul responsable.

àCass., Civ. III, 18 juillet 2000 ; JurisData n° 2000-003059.

àCA PARIS, 11 mai 2011 ; n° 10/03312, JurisData n° 2011-010324.

Et peut être appelé en garantie par le maître d’ouvrage.

àCass., Civ. III, 6 juillet 2010 ; n° 09-66.757, 924, Inédit, JurisData n° 2010-011674.

 

En revanche, la jurisprudence estime que le maître d’ouvrage engage sa responsabilité s’il refuse, par souci d’économie, de recourir à un maître d’œuvre alors que la nature et l’importance des travaux le rendaient nécessaires.

àCass., Civ. III, 2 octobre 1980, Société Imobel.

àCass., Civ. III, 20 novembre 1996.

 

De la même manière, est retenue une responsabilité partielle du maître d’ouvrage qui a refusé le concours d’un maître d’œuvre qualifié, malgré les conseils de l’entrepreneur, et par souci d’économie.

àCass., Civ. III, 29 octobre 2003 ; JurisData n° 2003-020649, JCP G 2003, IV, 3007.

 

Cependant, il semble que la Cour de cassation exerce un contrôle strict sur l’appréciation de la faute du maître d’ouvrage.

En effet, elle a jugé que :

« Doit être cassé l'arrêt qui, pour laisser aux époux maîtres de l'ouvrage une part de responsabilité, retient que l'impossibilité de réaliser le projet de construction envisagé sans engager des frais conséquents leur incombe principalement puisqu'ils ont commis la faute de ne pas recourir, dès l'origine, et, par un évident souci d'économie, à l'intervention d'un architecte, que le mari s'est immiscé constamment dans la conduite du chantier et que les maîtres de l'ouvrage se sont, également, pour des raisons d'économie, dispensé de faire appel à un maître d'œuvre ou un bureau d'études lorsqu'ils ont été alertés, en cours de chantier sur la nécessité d'avoir recours à un ingénieur béton pour le calcul des charges. En statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la faute des maîtres de l'ouvrage, dont la compétence notoire en matière de construction n'est pas constatée, ou leur acceptation délibérée des risques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef. »

àCass., Civ. III, 24 mai 2011, n° 10-14.801, 604, JurisData n° 2011-009945.

 

Toutefois, il convient de noter qu’un maître d’ouvrage, lorsqu’il assume le rôle de maître d’œuvre, est responsable des fautes commise à cette occasion.

àCass., Civ. III, 21 décembre 1982 ; Bull. civ. 1982, III, n° 263 ; JCP G 1983, IV, p. 80.

Mais, l’entrepreneur reste responsable, dès lors que ce maître d’ouvrage n’avait pas de compétences techniques particulières.

àCA BESANCON, 9 septembre 1993 ; JCP G 1994, IV, 565.

 

Ainsi, l’absence d’un maître d’œuvre n’a que peu d’impact sur la responsabilité des entrepreneurs qui voient au contraire leur obligation de conseil se renforcer.