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Sur la nullité du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan ne respectant pas les dispositions d’ordre public du Code de la construction

Le 10 mai 2017
TGI, Briey, ch. civ., 30 mars 2017, n° 15/00802



Les époux MB ont souhaité faire édifier une maison d’habitation, sur un terrain leur appartenant.

C’est à ce titre qu’ils ont confié la construction de leur immeuble à Monsieur P. (constructeur), selon contrat en date du 12 avril 2010, et ce après avoir fait appel à la société BP (dessinateurs en bâtiment) pour une mission de permis de construire.

Afin de financer leur projet, ils ont conclu un contrat de prêt avec un organisme bancaire (prêteur) en date du 4 juin 2010.

Constatant de nombreuses malfaçons et non-façons sur leur bien, en cours de construction et avant réception, les époux MB ont sollicité une expertise judiciaire qui a été accordée selon ordonnance du 17 octobre 2011.

L’Expert judiciaire ayant conclu dans leur sens, ils ont dès lors assigné le constructeur, le dessinateur et le prêteur devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Briey, aux fins de voir : -        Ordonner la requalification du contrat du 12 avril 2010 en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, ainsi que sa nullité. -        Condamner solidairement et subsidiairement in solidum le constructeur, son assureur, ainsi que le dessinateur à les indemniser au titre de leur préjudice matériel. -        Déclarer nul et sans effet le contrat de prêt du 4 juin 2010. -        Condamner le prêteur à leur rembourser l’intégralité des remboursements effectués par eux au titre du prêt.

Les époux MB développent leur argumentation en deux axes principaux :

D’une part, ils font état des graves malfaçons qui grèvent leur bien, déplorant notamment la mauvaise implantation de l’immeuble et d’importantes fissures.

D’autre part, ils entendent obtenir la requalification du contrat conclu avec le constructeur, afin qu’il soit acté que ledit contrat correspond aux caractéristiques du contrat de construction de maison individuelle (CCMI) sans fourniture de plan tel que prévu à l’article L 232-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH)[1].

Cette requalification souhaitée par les demandeurs est nécessaire pour prouver que ledit contrat ne respecte pas plusieurs dispositions d’ordre public qui sont l’essence même du CCMI sans fourniture de plan.

Le TGI de Briey a statué en date du 30 mars 2017, en prononçant la nullité du contrat du 12 avril 2010 et condamnant in solidum le constructeur et le dessinateur à indemniser les maîtres de l’ouvrage au titre du préjudice matériel par eux subi, ainsi que la résolution du contrat de prêt et la condamnation du prêteur au remboursement de ce dernier.

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Pour justifier sa décision, le TGI scinde son argumentation en deux parties, l’une concernant les malfaçons qui grèvent le bien, et l’autre concernant la nullité du contrat en cause.

C’est cette seconde partie qui renferme un intérêt particulier.

Le Tribunal retient d’abord que le contrat conclu entre les demandeurs et le constructeur comprend la réalisation de travaux de gros œuvre et de couverture/charpente, menuiseries extérieures, entre autres (c’est-à-dire le clos et le couvert).

Or, outre les termes sans équivoque de l’article L 232-1 CCH, il a été jugé que dès lors qu’il est question, au sein d’un contrat, de gros œuvre, de mise hors d’eau et de finitions extérieures, ce dernier tombe alors sous le coup de la loi applicable aux CCMI sans fourniture de plan (CA, Aix en Provence, 14 décembre 2004, n° 00/13418, JurisData n°2004-269261).

Il en résulte que c’est non seulement la nature mais aussi l’importance des travaux exécutés qui constituent les critères d’application de la réglementation impérative.

C’est de ce fait en toute logique que le Tribunal a requalifié le contrat en CCMI.

Il est ensuite rappelé que le contrat d’espèce ne respecte pas les dispositions du CCH, puisque des mentions obligatoires sont manquantes: désignation du terrain, consistance et caractéristiques techniques de l’ouvrage à réaliser, garantie de livraison…etc.  

Le non-respect de ces dispositions d’ordre public entraine, dès lors, la nullité du contrat.

Le TGI en tire les conséquences et prononce alors la nullité dudit contrat requalifié en CCMI.

Enfin, le TGI souligne le fait que la nullité du contrat requalifié en CCMI entraine la résolution de plein droit du contrat de prêt ayant financé l’acquisition, les deux étant « intimement liés » et les parties ayant « subordonné l’existence du prêt à la réalisation de leur construction en vue de laquelle il avait été conclu ».

Ici, il est rappelé que l’organisme bancaire, s’il n’est pas tenu de s’immiscer dans les relations contractuelles des époux MB avec leur constructeur, se devait néanmoins de les informer quant aux risques encourus à conclure un contrat dont les dispositions fondamentales ne sont pas respectées.

Outre la requalification du contrat et le prononcé de sa nullité, le Tribunal précise que « la nullité du contrat de construction de maison individuelle ouvre le droit de solliciter la remise en état du terrain et la démolition de la construction ».

A noter que le dessinateur a quant à lui était condamné pour manquement à son obligation de conseil vis-à-vis du constructeur, ce qui a abouti à un grave problème d’implantation du bâtiment.

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S’il ne s’agit pas là d’une décision inédite, elle n’en reste pas moins intéressante à deux égards :

-        La nullité d’un CCMI pour l’omission de mentions d’ordre public -     La résolution du contrat de prêt lié et la condamnation du prêteur pour non-respect de son obligation de conseil

Est ici résolument mise en exergue la volonté de protection des maîtres de l’ouvrage et propriétaires de l’immeuble.

En effet, si le constructeur est condamné pour des manquements d’ordre public quant au contrat lui-même, l’organisme prêteur l’est quant à lui pour avoir omis d’informer les maîtres de l’ouvrage/emprunteurs des risques encourus à conclure un contrat au sein duquel des mentions obligatoires étaient manquantes.

On peut d’ailleurs émettre une réserve quant à l’organisme de prêt dont la responsabilité s’est vue limitée au prêt, alors que s’il avait correctement exécuté ses obligations dès le départ, le contrat n’aurait pas été conclu et le jugement d’espèce n’aura pas eu lieu…

Dans ce cas de figure, le maitre de l’ouvrage est manifestement soumis à une grande protection vis-à-vis de ses cocontractants professionnels qui ne sont pas censés ignorer la loi.

La nullité d’un CCMI pour violation des règles d’ordre public qui l’encadrent est une constante jurisprudentielle dans laquelle s’inscrit indubitablement ce jugement (CA, Bourges, Ch. civ., 27 août 2015, n° 14/01191, JurisData n° 2015-019820 / Cass., Civ. 3e, 21 janvier 2016, n° 14-26.085, JurisData n° 2016-000666).

Il est cependant précisé qu’à ce jour la décision n’est pas définitive.

[1] « Le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 231-1 et ayant au moins pour objet l'exécution des travaux de gros œuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, doit être rédigé par écrit et préciser … »